Première exposition féline

IMG_6482
2 Nov, 2016

Première exposition féline

IMG_5569

Février 2014, la Chaux-de-Fonds.

Planton le décor : nous sommes en février 2014 et cela fait à peine trois mois que Yumiko, mon premier norvégien, a rejoint la famille (famille au sens restrictif du terme: constituée donc de mon gouttière et moi). Il n’a alors juste pas six mois. Son éleveuse m’avait proposé de l’accompagner en exposition et d’y présenter Yumiko. Je n’avais à ce moment en tête qu’une idée très vague et plutôt négative de ce genre d’événement (certainement influencée par les représentations ridicules des shows pour chiens dans les films américains où des types qui ont le même look que leur toutou-au-nom-à-coucher-dehors leur font faire des tours de piste de manière totalement ridicule et exagérément snobinarde). Quoiqu’il en soit, je n’avais rien à perdre d’autre qu’un week-end: j’ai accepté.

Il fallait qu’on se lève tôt. Non seulement parce que l’exposition avait lieu dans cette ville où la neige n’arrête de tomber qu’en juillet, la Chaux-de-Fonds, mais aussi parce que, contrairement à ce que je pensais, il ne suffisait pas de mettre son chat dans une caisse de transport et go-départ, mais il fallait charger la tonne de matériel divers et varié dont je n’avais pas la moindre idée de l’utilité. Moi j’avais embarqué mon Yumiko et ma bouteille de blanc pour l’apéro, je me sentais équipée comme il fallait ! C’est que plus tard que j’ai compris l’utilité de la grosse Volvo (et pas seulement pour affronter le climat sibérien de la Tchaux).

Arrivées à destination, il a fallu passer par le contrôle vétérinaire. Un peu comme les contrôles de sécurité à l’aéroport mais en plus sérieux: présentation du carnet de vaccination et auscultation du chat sous toutes les coutures (dents, oreilles, yeux, ventre et j’en passe). L’éleveuse m’explique que c’est pour éviter qu’un chat malade ne vienne contaminer tous les autres. Vu comme ça, effectivement, c’est une bonne chose ! Pas envie de transformer Yumiko en Vomito ! En voyant la promiscuité des cages dans la salle, je comprends mieux la vigilance. En effet, l’immense salle est remplie de tables disposées en carrés et surmontées de cages métalliques. «Mon Dieu, mais mon pauvre Yumiko ne va quand même pas rester là-dedans ?!». Et bien si. Mais attention, une cage ça se prépare ! Et c’est là tout l’intérêt du chargement de la voiture: tapis de fond de cage, rideaux, plastique transparent, décorations, jouets, mini-litière, mini-gamelle, etc. À l’image d’une fourmilière, tout le monde s’affairait à désinfecter puis monter sa cage, remplir les gamelles, exposer des affiches et des présentoirs. En peu de temps, les cages métalliques et froides étaient devenues de vrais petits cocons chaleureux et colorés dans lesquels les chats semblaient paisibles et heureux. Tous sauf Yumiko. À côté des sibériens et siamois un peu hautains qui devaient avoir fait ça leurs sept vies durant, il avait l’air de se dire, comme moi, « Mais qu’est-ce qu’on fout là ? ».

Après les cages, c’était au tour des chats d’être préparés. Là encore, je restais perplexe : mon chat est propre, il fait sa toilette tous les jours, il est prêt ! Ben non, cela ne suffit pas: les chats sont lavés quelques jours avant l’expo, puis brossés, talqués, arrangés. Effectivement, malgré ma réticence première, mon chat qui était beau, est devenu super beau après qu’on l’a bichonné. D’une part des noeuds devant les juges ça le fait pas, le poil gras et collant non plus, mais surtout, le petit coup de brosse donne, chez le norvégien, une collerette et une queue bien « fluffy », et une apparence « sauvage soignée » (un peu comme le « coiffé décoiffé » à la mode chez les bipèdes). Et je pouvais me considérer comme heureuse: les éleveurs d’autres races s’affairaient à mettre des gouttes dans les yeux des persans (ceux qui ont toujours l’air triste ou méchant comme dans Cendrillon) ou encore à couper aux ciseaux les poils des chartreux (ceux de la pub sheba où on regarde plus Eva Longoria que le chat) au millimètre près. Quoiqu’il en soit, après quelques coups de spray-qui-font-ci, de spray-qui-font-ça, de talque, de brosse-ci, de brosse-ça et de peigne, Yumiko était prêt pour passer devant le juge.

Et c’est là que, pour la néophyte que j’étais, c’est devenu vraiment compliqué. Il y avait plusieurs juges et, dans une première phase, chaque chat passait devant un juge particulier, noté sur le petit fascicule que j’avais reçu. Jusque-là, ça allait. Mais évidemment, comme on ne peut comparer des torchons et des serviettes, on ne peut pas comparer un chat à poils long avec un chat exotique, ni un main coon avec un norvégien, ni même un norvégien roux avec un norvégien blanc et encore moins des mâles avec des femelles ou des chatons. Une quantité incroyable de groupes, catégories et sous catégories cohabitent, se regroupent et s’enclavent, à y faire perdre un logisticien ! Il m’a fallu plusieurs expos pour comprendre comment tout cela était organisé. Ce jour-là, j’ai tout juste saisi que Yumiko était un NFO (abréviation pour les chats des forêts norvégiennes), appartenait à la catégorie II « races à poils mi-longs », à la classe 12 « chatons de 4 à 7 mois » et au groupe 7 « couleur silver sans blanc ». Rien que ça ! Parmi tous les chats de la catégorie II, NFO, de la classe 12 et du groupe 7 jugés par ce même juge (ce qui en réalité représentait deux chats), le meilleur aurait un point (en fait, les deux peuvent avoir des points, mais un classement est quand même établi). Puis ce juge va comparer tous les chats de cette race et de ce groupe (même couleur donc), mais toutes classes confondues (les grands avec les petits, castrés ou non). Le meilleur aura alors le titre de Best Variété. Mais c’est pas fini ! Il sélectionne ensuite parmi tous les chats de la même catégorie (poils mi-longs) et de la même classe (ici chatons 4-7 mois) et en nomine un qui pourra être présenté au Best in Show à la fin de la journée. Ledit Best in Show c’est une sorte de concours dans le concours où les chats nominés dans chacune des catégories et classes par chaque juge sont comparés. Les juges votent pour celui qui représente le mieux sa propre race, qui devient le Best de la journée. Vous me suivez ? Moi non plus je ne suivais pas, je vous rassure !

Sans avoir vraiment compris donc, je suivais l’éleveuse. Ce fût notre tour. J’ai donc pris Yumiko, qui venait d’être pomponné, dans mes bras. Le problème c’est que quand tu cours partout et que tu stresses parce que tu ne sais pas ce qui t’attends, ben t’as les mains moites, pis du coup tu salopes tout le travail des brosses en portant ton chat. S’ajoute à ton stress la phrase suivante : «surtout le tiens bien, si il se met à courir partout dans l’expo c’est la panique générale ! ». Et c’est pas fini parce que ton chat tu ne peux pas le porter comme quand tu lui fais un câlin à la maison: tu dois le présenter sous son meilleur profile ! Une main sous les aisselles avant, une sous les cuisses, à bout de bras et hop, ton chat qui était prostré s’allonge et adopte une attitude condescendante ! Le peigne dans une poche pour redonner un dernier coup dans la crinière et un petit jouet à plume dans l’autre pour attirer le regard du chat quand il est présenté, le chat dans les bras on se dirigeait vers notre juge.

Là c’est le moment de vérité. Le juge fait semblant d’être occupé à noter plein de choses sur des documents (enfin, ça c’était mon impression, en réalité ils écrivent vraiment des trucs), un steward désinfecte la table du juge et m’invite à présenter mon chat. Je me tiens donc debout, mon chat de quatre kilos alors à bout de bras (imaginez, il en fait huit actuellement) en attendant que le juge lève les yeux. Il me fait ensuite signe de poser Yumiko sur la table, et là il le caresse, lui parle, le porte, l’observe, vérifie que sa queue soit assez longue (elle doit presque toucher la tête), mesure avec ses doigts le triangles du visage, bref, il fait son boulot. À mesure qu’il l’observe et le manipule il commente « Très bon profile, pattes bien puissantes, queue pourrait être plus longue, etc.». J’ai été surprise par la façon qu’il avait tout au long de parler aux chats et à quel point il les regardait comme si c’étaient les plus merveilleux. Je les pensais plus sévères, mais on voit qu’ils font ça par amour des chats ! Le jugement terminé il m’annonce qu’il est Ex1, NOM et BIV. Heuuuuu… La voisine m’a expliqué que cela signifiait qu’il était le meilleur de son groupe, dans sa classe mais aussi dans sa catégorie et qu’il avait été choisi pour le Best in Show. C’était donc plutôt un bon résultat et il a même eu l’occasion d’être présenté une seconde fois lors du dit Best in Showen fin de journée.

J’ai donc pu découvrir lors de cette première exposition tout un monde insoupçonné, étonnant et surprenant et finalement bien loin de ce que je m’imaginais. J’y ai même trouvé une forme de plaisir. Cela m’a permis d’une part de connaître mieux les norvégiens, mais aussi le monde de l’élevage félin et surtout des personnes passionnées et intéressantes. Le virus a ainsi commencé à se propager gentiment chez moi. Yumiko n’a finalement visiblement pas été traumatisé, même s’il était content de retrouver mon appartement et son compagnon à quatre pattes.

 

 

 

Leave a Reply

*